Bonjour à tous,
Voici un FR doublement nostalgique.
Tout d'abord parce qu'il concerne un type d'appareil des plus anciens, qui fût avec le DC-3 le pilier de l'aviation commerciale des années 30, et à bord duquel il était encore possible de voler dans les années 2010…
Mais aussi parce que, malheureusement, la belle histoire a non seulement pris fin en 2019 sans que l'on sache à ce jour (été 2020) si elle reprendra vraiment un jour, mais aussi et surtout parce que cela a été la conséquence d'un crash mortel survenu en 2018, lors d'un vol tout à fait semblable à celui que je vais vous narrer ci-après.
Bien qu'étant une émanation à but non commercial du musée suisse de l'aviation militaire, Ju-Air peut être considérée comme une véritable compagnie aérienne, par comparaison aux nombreuses associations beaucoup plus "amateur" qui se sont constituées ailleurs en Europe et en Amérique du Nord dans le but de préserver des avions anciens, notamment des DC-3.

Ici, nous sommes en présence de véritables "pros" dont l'existence est directement liée, comme en témoigne le nom de la compagnie, aux Junkers 52 qui ont marqué l'aviation helvétique tout comme celle de l'Allemagne, à une époque où l'Europe était pour le moins… secouée…

Les germanophones n'auront aucun mal à prendre connaissance de tous les détails liés à cette longue histoire entre un type d'appareil bien particulier et une organisation destinée à l'exploiter commercialement, comme on peut le lire dans l'édito du patron ci-dessus ou par rapport aux données essentielles du Ju-52 ci-dessous.

Il faut bien dire que le relief de la Suisse se prête particulièrement à cette association entre un type d'avion insolite et des vols de découverte touristique, tel que cela est représenté à l'intérieur de la brochure de la compagnie.

Lors de ma quête perpétuelle de vols à bord d'appareils peu répandus et/ou de compagnies éphémères, j'avais bien sûr misé sur le Ju-52 depuis belle lurette, sachant que Lufthansa elle-même en avait restauré un au cours des années 90. Elle l'exploitait sous son propre CTA, comme on pouvait d'ailleurs le voir sur son magazine de bord au milieu des B737, A340 et autres A380 de sa flotte, avec des pilotes et des PNC salariés par elle, et effectuait tous les ans un programme précis de vols de découverte. J'en avais profité dès 1996 au départ de Berlin-Shoenefeld et je m'étais dis qu'il fallait bien un jour ou l'autre que je me décide à ajouter Ju-Air à cette histoire. C'est ainsi que, seize ans après cette première en Ju-52, je me suis inscrit en juin 2012, pour la "modique" somme de 270 Francs Suisses, TVA incluse, à un vol "panoramique" entre Dübendorf et Dübendorf, "l'autre" aéroport de Zurich, sur Ju-Air cette fois-ci.

Après un CDG-ZRH effectué le matin-même sur AF en E-190, opéré à l'époque par Régional…


… et ayant voulu éviter le taxi au profit des bien moins onéreux transports en commun, j'étais arrivé très en retard à Dübendorf. Cette précipitation m'avait privé de faire des photos de l'aérogare et des formalités de départ, tout à fait identiques à celles d'un vol commercial classique avec enregistrement, passage du PIF et embarquement sous la conduite d'une hôtesse d'accueil. On se retrouve donc directement à l'entrée du Junkers…

Les passagers sont accueillis par une PNC en uniforme qui effectue son briefing. Les sièges ont été attribués au check-in et j'ai été placé du 6A, dans cette jolie cabine en 1+1 dont la "modernité" des sièges, hérités de l'ère glorieuse des DC-9 de Swissair, contraste avec le plafond en tôle ondulée, "dans son jus" des années 30. Vous aurez par ailleurs noté que les rangs 1 et 2 se font face, dans cette cabine prévue pour transporter 17 personnes.

Nous roulons à l'heure prévue alors que l'on aperçoit un autre Ju-52 de Ju-Air face au hangar.

Le voici de nouveau alors que l'on poursuit le roulage.

Et voilà ! Après quelques essais de rigueur en point fixe au seuil de piste, les trois moteurs BMW ont donné leur pleine puissance et on a décollé au dessus de la banlieue de Zurich avec une météo idéale pour un vol de ce type.

Alors que l'on s'éloigne petit à petit de l'urbanisation en poursuivant la montée, il est temps de feuilleter le magazine de bord dont le nom rappellera aussi des souvenirs aux nostalgiques de Swissair. Il s'agit en fait de la gazette (sic) du musée de l'armée de l'air helvétique, dont l'édition de l'année précédente (2011) consacrait sa "une de couv" à Ju-Air.

On y découvre le programme des vols de 2011 des cinq Ju-52 alors en service, typique de l'activité saisonnière de la compagnie, aux vols "locaux" comme celui d'aujourd'hui près, ce qui est beaucoup plus fréquent.

Le HB-HOP utilisé sur ce vol est décoré aux couleurs de la marque de bière Falken. Comme on a pu le voir sur les images prises lors du roulage, avec un autre Ju-52 (HB-HOY) décoré aux couleurs du fabricant de valises Rimowa, Ju-Air a eu systématiquement recours au sponsoring pour augmenter ses recettes. Outre les deux marques déjà citées, les Ju-52 ont arboré notamment le célèbre mauve du chocolat Milka, mais aussi les gris et noir des montres IWC (HB-HOS et HB-HOT), ou encore le rose de Hülse (HB-HOT, sous ces couleurs lors du crash de 2018).

Comme sur une "vraie" compagnie aérienne, les passagers peuvent aussi effectuer des achats auprès de la PNC pendant le vol ! Outre le sponsoring, le merchandising marche à fond !

Autre document indispensable… et lui aussi en vente (5 CHF, c'est écrit dessus !) pour ceux qui souhaitent le garder en souvenir : la célèbre consigne de sécurité. Zut, à l'époque je ne comprenais pas l'allemand et j'ai cru qu'elle pouvait tomber dans mon sac sans bourse délier…


On peut à présent se déplacer en cabine et j'en profite pour prendre cette photo du côté droit de l'avion.

Retour à mon siège pour continuer à admirer le paysage qui défile en dessous, pour l'instant plus lacustre que montagneux.



Un tour en poste est organisé pour chaque passager le demandant. Inutile d'attirer l'attention sur la couleur et la nature du "manche".

De ce côté, c'est la vue sur le moteur 1 depuis la verrière du commandant de bord.

On se dirige alors de plus en plus vers de hauts sommets, avec cette nouvelle vue côté droit de l'avion.

Y aurait-il de l'IFE à bord ? En quelque sorte oui, puisque tous les sièges sont équipés de casques individuels du dernier cri (Sennheiser) au travers desquels on peut compenser le bruit des moteurs et écouter des commentaires au sujet des paysages survolés.

On en prend plein les oreilles mais surtout plein la vue !


La présence de massifs enneigés indique que l'on est vraiment sur le toit de l'Europe.



Evidemment, en voyant ces images on ne peut s'empêcher de penser au sort tragique subi par les 20 occupants, navigants et passagers, du Ju-52 qui s'écrasa le 4 août 2018. C'était sur les hauteurs de Flims contre le Piz Segnas, à 500 mètres environ du point culminant des Grisons, à 3099 mètres.



Six ans plus tôt, on est bien loin de ces considérations et notre Ju-52 navigue joyeusement entre ciel et terre, pour le plus grand bonheur de ses passagers.



Il n'y a pas de fortes turbulences mais ça secoue quand même de temps à autre. Il n'y a donc aucun service à l'exception de la distribution de ces pochettes rafraîchissantes, joliment logotées Ju-Air, d'un format bien connu en Suisse.

Un des "clous" de cette croisière aérienne va consister en un survol rapproché de cette montagne….

… où l'on peut distinguer à l’œil nu les salutations appuyées des clients de ce restaurant d'altitude.

Après les montagnes, encore des lacs…



Et de nouveau des montagnes !


Cette magnifique balade touche à sa fin. On amorce le retour vers Zurich-Dübendorf.



Nous voilà déjà en approche.

Atterrissage imminent.

Nous serons posés après environ 1h30 de vol, dont chaque minute aura vraiment été un plaisir. Notre vénérable Ju-52 est de retour sur le plancher des vaches, et pour cause…, ce qui est bien entendu l'occasion de le photographier enfin en entier avant de refaire en ce qui me concerne le circuit inverse du matin, c'est à dire bus vers l'aéroport de Kloten et vol AF opb Régional vers CDG.

A l'issue du crash meurtrier du 8 août 2018, la compagnie Ju-Air a immédiatement suspendu toutes ses opérations, mais les avait reprises de manière assez surprenante une quinzaine de jours plus tard, avant de les interrompre de nouveau après quelques semaines. Il n'y a eu aucun vol en 2019 et en 2020 pour cause de maintenance lourde de ses trois Ju-52 alors encore actifs, sans que le Covid-19 y soit pour quoi que ce soit. Le site internet de Ju-Air indique une reprise "au plus tôt au printemps 2021" mais aucune nouvelle n'a été publiée depuis un an. En cette mi-2020 c'est donc l'incertitude la plus complète sur l'éventuelle continuation de l'histoire, sachant que Lufthansa a, pour sa part, mis fin à plus de 20 années d'opérations "modernes" de son unique Ju-52 dont voici les images faites lors de son démantèlement en 2019, préalable à son transport vers Munich où il est désormais suspendu au plafond du Technik Museum Speyer.






J'espère que ce récit et (surtout) les images qui vont avec vous auront divertis. A bientôt sur flight-report.com
Je crois bien que c'est le plus vieil avion que j'aie jamais vu ! On dirait un vieux wagon de train avec cette tôle ondulée et ses hublots carrés
C'est pour ça que j'ai choisi cette photo en une de couv...
Merci pour ce FR
Encore un superbe témoignage sur ce très vieil avion
Des vues aériennes qui nous en mettent plein les yeux : c'est vrai que les paysage suisses se prêtent vraiment bien à ce genre de vol
A bientôt
Merci pour le commentaire. Très belle leçon de géographie effectivement, avec un avion lent et très panoramique. L'idéal...
Les vues sont tout simplement splendides!
Et les hublots... on en fait plus des comme ça aussi large. C'est de la full HD ou du 4K à ce niveau là :p
Un grand merci pour ce partage de ce vol en "boîte de conserve" ^^
A bientôt Luc.
Merci Benjamin. Tu as raison la taille des hublots est particulièrement appréciable. A bientôt.
Merci pour ce FR Luc. Très jolies photos à bord de ce vieux faucon, probablement le plus âgé a avoir volé que l'histoire ait connue...
Merci pour le commentaire. Perso, je pense que mon record d'âge d'avion a eu lieu à bord d'un Ford Tri-Motor pris aux USA en 2013, alors âgé de... 84 ans. Quelques images de ce vol sont disponibles en bonus du FR publié en 2014 au sujet d'un vol YMX-YUY en Convair 580 de Nolinor. A bientôt.
Hello Luc
A force de lire les magazines LH, l'unique Junker de la flotte LH finitristement sa vie dans un musée, on en a presque la larme à l'oeil...
C'est un privilège d'avoir volé à bord de ce vénérable appareil, les paysages survolés sont de toute beauté.
A quand un FR à bord d'un Farman Goliath ? ^^
Merci infiniment pour cette contribution d'exception, à très bientôt.
Eh oui, Herr Senator a eu entre les mains pendant des années et des années ces éditions du Bordbuch où la flotte de LH était composée de divers Airbus, Boeing, jets régionaux, et... d'un Junkers JU-52. Le summum eût été que ta compagnie préférée parvienne à mettre en ligne le Super Constellation qu'elle avait commencé à restaurer aux USA il y a quelques années, mais le projet a été arrêté car son budget commerçait à sérieusement dériver... Merci et à très bientôt.
[Mode Louis de Funès]
Il m’énerve, il m’énerve, il m’énerve ...
:) :) :) :) :) :) :)
Tu passes des heures à jouer les sacs de fret dans des busbus domestiques type 318/319/320/321 et lui, il te sort des Junker, des Dakota comme si il y avait le tiers des vols Navette d'Air Chance d'assurés avec des coucous d'avant-guerre...
Encore !!!!!
J'attends toujours le vol en TU-144 ou en TU-160 :> :> :>
Merci pour ce FR :)
Allez, encore un peu de patience, mais comme déjà indiqué je promets "du lourd" pour mon 150é FR, sachant que celui-ci est le 148é... A bientôt...
Merci pour ce vol, on est d'abord impressionné par la bête qui montre bien un autre monde de l'aviation que ce que l'on connait maintenant. Mais en plus de voler sur un avion exceptionnel, le tour organisé est tout bonnement magnifique. Même un non passionné d'aviation y trouverait allégrement son compte, à défaut d'y trouver un confort sonore ahah.
Je ne savais pas qu'AF volait en E190 vers la Suisse à cette époque.
À bientôt !
On est d'accord sur le fait qu'au delà de l'attractivité des fanas d'avions pour ce type d'appareil d'un autre temps, Ju-Air avait réussi à drainer un public assez large pour de "simples" vols panoramiques, tant le relief helvétique se prête bien à un tel produit. Concernant AF sur CDG-ZRH, je crois qu'ils ont a peu près tout essayé, à part peut-être les CRJ de Hop (et encore il faudrait vérifier), la ligne ayant aussi eu sa dose de BAe146/Avro RJ-85 affrétés à CityJet, ce qui n'était pas forcément une bonne idée avec leur confort spartiate en 6 de front face à LX qui a toujours eu un produit de qualité, quel que soit le type d'appareil. Merci et à bientôt.
Merci pour ce FR!
Retour à une autre ère du transport aérien avec cet avion vraiment ancien; c'est encore un cran au-dessus en termes de dépaysement temporel que les DC-3!
Qui plus est, les paysages survolés sont vraiment magnifiques tout au long du vol. Bonne idée de la part des organisateurs que d'avoir ainsi prévu un commentaire en live sur le panorama.
En bref, c'est encore une balade aérienne exceptionnelle que vous nous faites partager.
A bientôt!
Merci. Le DC-3 fait effectivement figure d'avion moderne en comparaison. A bientôt.
Merci Luc pour ce nouvel opus tout à fait exotique. La demande a été transmise en haut lieu pour la correction du routing.
Effectivement, après le tragique accident du HB-HOT, les choses se sont séverement corsées pour JU-Air. Triste.
Sinon un joli moment à bord de la vieille Tante-Ju.
A bientôt
Merci Stephan pour ton commentaire et ton efficacité puisque la modif de routing a été suivie d'effets ! A bientôt.
Quel spectacle ! On en prend plein les mirettes. Merci pour ce report des plus visuels.
Je ne peux m'empêcher de penser à ce grand oncle qui, il y a bien 70 ans, était allé en Corse à bord d'un AAC.1 TOUCAN, le JU-52 français.