Prolégomènes à un vol dual
En ce trentième jour de juin de l'an deux-mille vingt et de son été le neuvième, j'eus l'illumination de consulter mon oracle.
« Bonjour, haute et puissante Pythie. Toi dont les augures sont infaillibles, je te supplie de me dire de quoi se languissent mes nobles lecteurs !
– Depuis le dix-huit septembre dernier et un récit au succès triomphal vu près de trois-cent quatre-vingt-dix fois, ils attendent un vol au départ de Brest comme on attend le Messie.
– Merci, grandiose et terrible Pythie. Que leurs vœux soient exaucés. »
Et après moult belles offrandes mille fois méritées, je me retirai avec la ferme résolution de frénétiquement photographier mon vol du jour sous tous ses angles afin de répondre aux espoirs immenses de vous qui me lisez, et de moi qui me relis.
Enchainement de vols
- 1
- 2AF7739 - Economique - Brest → Paris - Airbus A321
Tel était donc mon dessein, grandiose s'il en est, lorsque je foulai le sol du parvis de l'aéroport de Brest-Bretagne pour le second segment de ce périple précédemment rappelé. Mais c'était sans me douter que ma Pythie n'avait pas tout prédit…
BES-report
Une arrivée à l'aéroport de Brest-Bretagne n'a d'intérêt que si elle est tardive et que l'on ajoute au danger l'audace inconsciente de s'arrêter tous les dix mètres pour prendre des photos à peu près cadrées. L'aéroport offrant – à plus forte raison en ces temps de disette – assez peu de divertissements, il convient de s'offrir un minimum d'adrénaline ! Pour ces raisons, c'est cinq minutes avant le début de l'embarquement que j'arrive sous la colonnade de mon temple guipavasien.

Les entrées et les sorties se font en deux points distincts afin de répartir les bancs de pax en deux flux. En bon jargon maritime, on appelle ça un dispositif de séparation du trafic, dont l'exemple le plus proche de ces lieux est surnommé « rail d'Ouessant ». Bref. Je prends le rail montant…

… pour arriver dans ce hall bien connu.

Attiré par cet hypnotique panneau publicitaire vantant le meilleur du patrimoine de ma Champagne adoptive, je me rue comme un forcené vers cet escalier mécanique, bavant comme une bête.

Et sans coup férir, me voilà au balcon de mon Castel Gandolfo, d'où je bénis mes braves fidèles.

Mes obligations liturgiques achevées, je passe le PIF en un temps record grâce à la file SkyPriority qui, une fois n'est pas coutume, m'a été fort utile en ces lieux : un seul filtre était ouvert et une quarantaine de personnes faisaient la queue au moment où je suis passé. Ainsi donc… bip ! ; [bruit de portillon qui s'ouvre] ; [dialogue avec l'agent] ; champs magnétiques ; wooooof ! ; airside.

Allez, c'est parti pour la grande récré !

L'A321 du jour accueille les pax par ses deux portes gauches…

… et par conséquent, une agente oriente les désorientés en fonction du numéro de rangée inscrit sur leur page de Bible, leur smartphone, etc.

Étant assis au rang 4 en ce qui me concerne, j'emprunte le chemin de triomphe garni de moquettes et de scotch de chantier.


Sans me hâter, bien sûr. Sans quoi je risquerais de ne pas maintenir mes distances de sécurité, indispensables en cas de freinage sur ce sol glissant.

L'automate de contrôle du jetbridge représente toujours un 747 ; mais l'audacieux angle de vue choisi pour ce cliché qui n'a pas échappé à la vigilance de la PNC postée en porte vous oblige à me croire sur parole !

Aboard AF7739
Arrivant en fin d'embarquement, je peux constater avec soulagement que la cabine semble remplie aux deux-tiers, ce qui me garantit cette fois-ci un non-voisin.

Et une non-têtière aussi, remarquez…

… cette dernière ayant profité du luxe de ce siège milieu vide pour s'accorder un répit mérité. Ou bien, par pure dévotion, s'est-elle sentie obligée de garder jalousement ce siège pour prévenir son accaparation sauvage !

Ma vue principale en ces lieux demeure cet élégant rideau.

Mais voyageant en classe arrière, cela me pendait au nez !

Un changement de perspective matérialisé par un regard vers le sol m'informe que la propreté de la cabine est impeccable. Ceci étant, mon appareil effectue son second vol de la journée.

Quant aux vues extérieures, elles offrent le spectacle de deux modules dont la présence risque de considérablement s'amoindrir sur ce tarmac dans les mois à venir…

… et d'une vue moteur très partielle, eu égard à la longueur du fuselage de l'A321.

Notons enfin que cet avion est équipé d'un réseau Wifi, que je n'utiliserai pas au demeurant.

La revue étant faite, j'indique magnanimement au cockpit que le roulage peut commencer.

Nous remontons donc la piste vers son extrémité Est, synonyme d'un décollage face à l'Ouest et d'un virage subséquent. Malheureusement, ce plafond nuageux ne me permettra pas d'en tirer grand-chose d'un point de vue photographique !

Profitons donc d'évoluer au sol pour le moment. Les hangars de Finist'Air, qui n'est pas le dernier salon de coiffure à la mode mais la compagnie qui dessert l'île d'Ouessant, dont je vous parlais du rail un peu avant, ce qui ne veut pas dire que l'on peut s'y rendre en train ; ainsi donc, le bateau, la natation, … l'avion sont les moyens de locomotion idoines. En l'occurrence, vous pouvez voir ici deux Cessna 208B dédiés à ces rotations d'un quart d'heure par segment.

Tandis qu'un peu plus loin, des chevaux connaisseurs se préparent à spotter notre décollage entre deux bonnes plâtrées d'herbe fraîche.

Alors, pour ne point les décevoir, nous créons de la portance par une accélération longitudinale, et voilà le travail.

À l'Ouest, toujours plus à l'Ouest ! dirait Tryphon.

Et à l'Ouest, rien de nouveau.


Un changement de cap s'impose donc !

Le résultat est nettement plus probant.

Et comme je descendais des nuages impassibles, le rideau est tiré pour préserver la quiétude de qui de droit, ou de travers, comme vous voudrez.

Peut-être pour masquer à mes yeux concupiscents les jéroboams de Comtes de Champagne débouchés dans un « pschit » feutré ? Pour me consoler, la très avenante cheffe de cabine franchit le Rubicon et me demande si je souhaite m'abreuver de quelque boisson chaude ou jus de fruits. Par anticonformisme (peut-être), entre A et B je choisis C et me vois donc gratifié d'un verre d'eau.

Cristalline sans année mais pas sans lustre. C'est plaisant, à plus forte raison que je n'avais pas pensé à récupérer une bouteille à la machine à bonbons située airside.

Ma soif étanchée, je me plonge dans cette saine lecture qui me poursuit de son zèle inlassable depuis ma première année d'études, où mon professeur d'anglais, après avoir collectivement asséné à ma classe que notre génération constituait « l'incarnation de l'échec de l'enseignement des langues dans ce pays », nous avait invités à évaluer notre niveau réel dans sa matière en retranchant dix points à nos notes obtenues au bac. Suite à quoi, il nous avait chaleureusement exhortés à lire The Economist pour métamorphoser les chenilles incultes et illettrées que nous étions en gracieux papillons cultivés. Et donc, depuis… je ne voyage #jamaissansmonZE. J'en deviens presque une fashion victim !

Mes sain(t)es lectures sont interrompues par un second passage de la cheffe de cabine. « Puis-je vous servir autre chose, monsieur ? » Bien sûr, chère mâdâme. Et me voilà récompensé d'un second verre d'eau.

Arrivés à ce stade du vol, nous sommes ici :

Soit plus très loin de notre destination, en témoigne la géométrie de ces grands champs remembrés.

Au miracle de la trouée de nuages se succède celui du grand soir.

Alleluia !

Tout auréolé de sa gloire, notre Airbus perce les nuages dans sa folle course.

Pour nous laisser admirer, comme à l'aller, la carrière de gypse de Montgé en Goële.


Balise VOR en courte finale vers la 26L : CDG est en configuration Ouest aujourd'hui, et j'atterris donc en miroir de mon précédent décollage en ces lieux.

La preuve…

… avec l'A380…

… et les deux satellites du terminal 2E.

Au cours du roulage vers notre porte se matérialise ce superbe A350 de China Southern…

… dont la fière allure n'a pas à rougir de la concurrence environnante.


Un peu plus loin, Easyjet pousse la coquetterie jusqu'à bâcher ses moteurs avec des toiles assorties. Ah ces anglais, Savile Row jusqu'au bout des ailes !

Dieu merci le continent est là pour ramener un peu de sobriété au paysage.


Paysage, donc, qui chaque jour assiste un peu plus à la concrétisation du futur salon qui me fait de l’œil de manière bien aguicheuse.

Débarquement du 30 juin 2020
Et c'est suite à cette dernière photo que le débarquement fut annoncé. En bon désordre, les passagers se ruent subséquemment sur la sortie tandis que les esthètes qui tiennent à leurs dents ou à leur mise en plis restent en retrait, éloignés – suprême élégance – des contingences d'un agenda chargé. Et soudain… alors que la cabine se dépeuple… les humains obstacles masquant le 4A du 4F s'évanouissent, laissant leurs deux passagers se faire face : quelle ne fut pas ma surprise de découvrir que BESMRS himself occupait le siège symétrique au mien ! Heureuse rencontre assurément ; nous débarquons joyeusement en prenant un peu moins de photos qu'à l'accoutumée. Enfin, l'appel du salon ne nous a tout de même pas laissés insensibles…

… pas plus que celui du tableau de vol se remplissant de jour en jour.

Suivant les astuces proverbiales de mon partner in crime du bout du monde, nous nous extirpons du circuit de sortie par le chemin des écoliers (l'expression consacrant ici l'audace du parcours et non pas son temps, considérablement diminué). Suite à quoi je bénéficie d'un acheminement cinq étoiles dans le véhicule privé avec escorte hippique, tambours et trompettes venu accueillir mon camarade…

… qui, en plus de la course, m'offrira de son temps et un café une fois arrivés à Paris. Qu'il en soit mille-deux-cent-cinquante fois (au moins) ici remercié. Cette réunion au sommet fut l'occasion de fomenter un complot qui bientôt fera trembler le monde… Mais pour en connaître les détails, il faudra attendre les prochains reports. Et pour vous les narrer, Ricercare will return !
Merci pour ce FR au verbe si envolé ?
Prière exaucée (voir exhaucée) ?
Merci de ce commentaire et de cet élégant jeu de mots qui n'est point laid, comme eût dit Boby Lapointe !
À bientôt !
Merci pour ce FR
Un moment de tranquillité (toute relative) me permet enfin de déguster cet opus de ma pâtisserie préférée.
Lire un FR de Ricercare c'est comme déguster un carré de chocolat corsé(à plus de 90% au moins) : il faut prendre
son temps pour en apprécier toutes les multiples saveurs !
"ma Pythie n'avait pas tout prédit…"
Comme toute bonne Pythie qui se respecte (ou pas d'ailleurs !)
"d'où je bénis mes braves fidèles."
Comme tout bon pape qui se doit d'abreuver de bulles ses ouailles
"mes distances de sécurité"
Cette distance d'un mètre est hautement cosntestable et, même si il n'y a pas consensus
sur la distance minimale, celle de un mètre ne semble être là que pour rassurer les foules (et
être un placebo acceptable pour l'exploitation des lieux publics)
http://www.webdo.tn/2020/04/11/coronavirus-une-etude-chinoise-preconise-une-distance-de-securite-de-4-metres/
"mais l'audacieux angle de vue choisi"
Très audacieux à plus d'un titre : non seulement on peut savoir que tout aeronef de plus de 10 places est considéré
comme un 747 à BES mais on peut aussi y constater l'état de délabrement avancé des bouches d'aération
"Et à l'Ouest, rien de nouveau."
Même si les tranchées ont disparu, certains ont dans leur tête des tranchées bien plus profondes :(
"qui de droit, ou de travers, comme vous voudrez."
Tant que ce n'est pas la nature qui reprend les siens dans cette expression passe-partout que j'abhorre
"Par anticonformisme (peut-être), entre A et B je choisis C"
Les bulles n'étaient pas de mise ?
"une bouteille à la machine à bonbons située airside."
Le mode adrénaline ne permet pas de faire une check list ;)
" J'en deviens presque une fashion victim !"
"Enfin que nous quitterons notre corps terrestre sans rien emporter haillons ou dernière tenue à la mode"
comme dirait Didi ;)
"Et me voilà récompensé d'un second verre d'eau."
J'espère que c'est le même gobelet qui a servi sinon votre quota risque d'être rapidement épuisé
"Balise VOR en courte finale vers la 26L : CDG est en configuration Ouest aujourd'hui, et j'atterris donc en miroir de mon précédent décollage en ces lieux."
VOR, 26L, atterris en miroir : en une seule phrase l'auteur me renvoie à mon ignorance crasse
"les humains obstacles masquant le 4A du 4F s'évanouissent, laissant leurs deux passagers se faire face"
Au bal, au bal masqué, ohé, ohé
...
Devinez, devinez, devinez qui je suis
Derrière mon loup, je fais ce qui me plaît, me plaît
Etonnant de pouvoir ainsi se reconnaître malgré ces masques ^^
"qui, en plus de la course, m'offrira de son temps et un café une fois arrivés à Paris"
Un Bon Samaritain que la Pythie avait oublié de mentionner
Merci Gilbert de ce commentaire dont les saveurs sont non moins multiples que celles du chocolat corsé dont l'éloge est ainsi fait.
N'est-ce pas ? Je vais donc reconduire son CDD. Même les personnages mythologiques cèdent à la modernité bureaucratique dans ce siècle vertigineux.
C'est en effet plus Urbain !
Je souscris sans nul doute à la contestation ; et mes derniers vols m'ont prouvé que le pax moyen y souscrit aussi, mais dans une optique opposée : la distanciation n'est hélas guère plus qu'un souvenir. Sursaut de l'intelligence collective en rébellion face au complot crypto-Gateso-5G-o-maçonnique ?
Que nenni, mille fois hélas. Je ne suis plus en mesure de noyer mon snobisme de clown blanc déclassé dans un verre de Perrier siroté à trente mille pieds.
Je ne me remets toujours pas de ce constat qui depuis hante mes nuits. La perspective de ne pas pouvoir déguster champagnes et Moscow-mules en smoking, nonchalamment accoudé au comptoir du Prescription de l'au-delà, m'a fait définitivement réaliser que la mort n'était pas faite pour moi.
Je dois confesser que non, le premier ayant été débarrassé avant que la proposition de seconde rasade ne me soit faite...
Ou plutôt illustre son snobisme par un jargon qu'il ne maîtrise guère plus, mais ça fait chic
Les miracles de la vie sont sans fin !
Je le pense bien... un groupe électro-5G-ène sous-terrain, prêt à déployer ses ondes néfastes dans les sous-sols de la capitale ? #NousSachons
Si seulement... c'est, en vérité je vous le dis, une raison bien moins avouable qui a motivé ce sommet !
À bientôt !
Charmant bonus
"j'ai pu assister au passage de ce convoi insolite en lieu et place de mon métro."
Quelle est cette machine infernale qui est convoyée secrètement à travers Paris ?
Encore un vecteur de propagation du C19 ? #OnNousMent
C'était donc ça l'objet de la réunion (prétendument inopinée) avec votre partner in crime ?
A bientôt pour une confession détaillée
Merci pour le partage Bastien !
Merci Stephan pour le commentaire !
Merci Bastien pour ce FR.
Bon je commence par la fin : retrouver BESMRS sur la même rangée et ne pas se voir, tssss il faut être un peu plus curieux des personnes qui nous entourent.^^
On ne sait jamais..^^
Marseille est pourtant très loin de Brest.
CDG-BES-CDG-BES-CDG-BES-CDG-BES-CDG-BES-CDG-BES-CDG en une journée ?
Fashion victim : j'ai fait remonter le chiffre d'affaires des marques italiennes ce week-end qui sont durement touchées par le Covid... cela mérite une article dans ZE ?
A bientôt
A sa décharge le rideau semi tiré n'aidait pas...
J'avais en plus un voisin (en C) avec PC sur tablette du genre encombrant au sol...
Merci de te faire l'avocat du diable chevelu ! ??
Merci Valérie pour la lecture et le commentaire !
Mon rideau de cheveux soyeux qui fait de moi un parent proche du poney shetland restreint quelque peu mon champ de vision. C'est terrible !
C'est en vérité bien pire... mais le mystère n'est pas très loin de ce postulat... notre hold-up restera dans les mémoires, à n'en point douter !
Oui, absolument. Cela mérite même une couverture, à mon humble avis. Enfin à mon avis tout court, cessons la fausse modestie, que diable.
À bientôt !
Merci pour ce FR!
Comme d'habitude, c'est un plaisir de vous lire.
L’aéroport de BES est plutôt jolie.
A bord, le service fait son grand retour avec, qui plus est, des PNC sympathiques: il ne manque plus que l'en-cas!
A bientôt!
Merci Tiedel de ce commentaire fort aimable !
À mes yeux et sans chauvinisme aucun je trouve qu'il fait en effet partie des plus élégants terminaux français !
Mon prochain FR sera l'occasion de montrer qu'à cet égard Air France propose du take-away salonnesque au départ de Roissy, inspirée par une tendance créée par l'Okapi sans nul doute...
À bientôt !
Merci Bastien pour le Flight-Report !
Mince, je me suis trompé avec mes onglets, j'ai lu celui-ci en pensant que c'était celui de Didier, ce qui m'a un peu dérouté...
Toujours agréable à lire comme d'habitude.
A bientôt
Merci Guilhem pour le commentaire ! C'est plaisant de te revoir dans ces parages.
Peut-être qu'en vérité nous ne sommes qu'une seule personne. Je ne sais pas, je vais me le demander.
Merci ! Ma Pythie m'a donc montré la bonne voie :-)
À bientôt !