Dans la torpeur de l'été, un coup de tonnerre a retenti aux confins de la Corrèze, de la Dordogne et du Lot : la compagnie Amelia, qui opérait la ligne entre Brive et Paris Orly, a brutalement annoncé l'interruption de ses vols. Nous sommes juste avant le 15 août et c'est la stupeur : toutes les réservations à compter du 2 septembre sont annulées. Motif : la ligne n'est pas assez rentable, le kérosène est plus cher, etc.
De fait, le réseau en propre d'Amelia se résumé désormais à la ligne Amsterdam - Strasbourg. On sent clairement le changement de stratégie de la compagnie.
Un nouvel appel d'offre est lancé, avec trois candidats : Chalair, Volotea et… Amelia.
En fait, Amelia demande une rallonge budgétaire sur cette ligne en OSP (obligation de service public) et espère faire pression en annulant ses vols. Les canards locaux (la Montagne, France 3 région…) en font leurs choux gras, mais pour les passagers, aucune solution en vue avant le 27 octobre, date de mise en opération de la nouvelle OSP.
Pour pratiquer cette ligne régulièrement depuis quelques années, il faut dire que le trafic est faible : le vaillant ERJ145 de 49 places peine à être rempli, même le lundi matin. Pour autant, Amelia, qui opère la ligne depuis longtemps (d'abord en délégation d'Air France, puis en propre depuis 2022) est d'une régularité exemplaire : aucune annulation, ponctualité parfaite, rien à dire. On imagine mal comment Volotea va remplir ses A319 de 156 places. L'appétence au tarif est faible (BVE n'est pas PMI et on n'y va pas juste parce que le tarif est attractif) et le marché local est plutôt limité (la clientèle pro des PME brivistes représentant l'essentiel du trafic).
On donnerait donc Chalair gagnante dans la reprise de la ligne, et c'est donc avec une demi-surprise que la compagnie normande a annoncé remplacer Amelia pendant la période transitoire jusqu'au 27/10.
Je l'ai découvert un peu par hasard, et c'est donc avec beaucoup de curiosité que j'ai réservé un A/R avec cette compagnie que je ne connais pas encore.
Le tarif est très raisonnable : moins de 120 € par personne. On est loin des 70 € en carte WE du temps d'Air France, mais c'est bien mieux que les 180 à 250 € qu'il fallait débourser avec Amelia ces derniers temps. Volontaire ou pas, la décomposition du tarif est très explicite : 110 € de taxes et seulement 8 € qui tombent dans la poche de la compagnie (sans compter les subventions publiques, bien sûr).
Petit bonus, CE accepte les numéros Flying Blue et l'on devrait pouvoir grapiller quelques miles (ceci dit, au moment où j'écris ces lignes je n'en ai toujours pas vu l'ombre d'un seul).
En revanche, il faut avoir confiance, car je n'ai jamais reçu aucun mail de confirmation de Chalair, même après avoir recliqué sur le bouton "renvoyer la confirmation par email". J'ai donc bien fait de faire cette copie d'écran.
Toutes ces palabres préalables étant faites, place au FR !
Celui-ci débute à ORY1, d'où part CE. Ce n'est pas la foule des grands jours, il faut dire que TO cannibalise tout le trafic, déporté à ORY3.
A droite, se trouve le comptoir de Twinjet pour le Puy en Velay, à gauche c'est Chalair pour les vols vers Aurillac, Brive et Castres.
Le passage au comptoir est nécessaire, car l'enregistrement en ligne n'est pas possible. Un peu pénible, mais on peut comprendre que la reprise des vols au pied levé nécessite encore quelques ajustements techniques.
Etrangement, la préposée nous indique qu'étant donné le faible remplissage, nous ne pouvons pas être côte à côte, étant séparés par l'allée. Ceci me paraît bien étrange, mais nous n'insistons pas, nous verrons en cabine. Je lui demande si la ligne fonctionne bien (elle n'a repris que depuis quelques jours), a priori oui, le vol de la veille était plein. A noter que l'horaire est strictement identique à celui du vol Amelia, logique puisque c'est le créneau qui a été repris.
Nous passons le PIF dans la file générale (le statut FB n'étant pas effectif avec CE, contrairement à Amelia), mais ça va relativement vite.
Nous voici donc dans le terminal "ibérique", tant il est vrai la grande majorité des vols partent pour l'Espagne. Vueling y est d'ailleurs très majoritaire sur le FIDS.
En ce vendredi soir c'est plutôt bien rempli.
Nous partons en porte A21, tout au bout du terminal, cela me va bien car cette partie, rénovée il y a quelques années, est moderne et confortable. Il y a aussi beaucoup moins de monde.
Les sièges sont tous équipés de prises.
A côté, le vol VY pour Palma va embarquer.
Je suis l'approche de notre appareil sur FR24, mais soit les ATR sont capables de faire des virages à 90%, soit l'appli déconne.
Je perds la trace de notre coucou, jusqu'à ce que je le voie pointer le bout de ses hélices juste en face de nous.
L'embarquement est lancé à 19h35, seulement 10 minutes avant l'heure de départ. Vu le taux de remplissage, le last call est envoyé directement.
Etonnamment, nous sommes obligés d'attendre un peu plus loin. Je n'aime pas ces grillages dans ces passerelles, ça fait vraiment prison.
Sous un beau ciel nuageux, nous accédons enfin à notre turbopropulseur.
Les habitués des ATR savent qu'il faut embarquer par l'arrière. Cela me rappelle mes vols avec Air Tahiti, ce qui n'est pas un mauvais souvenir ^^
Notre oiseau du jour est un ATR72-500, qui va sur son 24e anniversaire. Il a d'abord fait ses armes chez Air Caraïbes, avant de revenir de ce côté-ci de l'Atlantique chez Air Corsica, puis CCM et enfin Airlinair/Hop. Il navigue aux couleurs de Chalair depuis 2018.
Fuselage shot pris de l'arrière.
Le chef de cabine est très sympa et souhaite la bienvenue à chacun des 11 passagers. Oui, 11… A nous deux, nous représentons donc près de 20% du remplissage.
Je lui explique notre histoire de sièges, il en rigole et me dit que nous pouvons nous mettre à côté, tant que nous restons sur la même rangée. Je me disais bien…
Voici nos sièges. La cabine présente très bien, je m'attendais à pire, même si les vieux sièges des ERJ145 étaient bien épais et confortables.
Le pas n'est pas dingue, mais pour 1 heure de vol, ça ira.
Les têtières sont d'un rouge vif, qui tranche bien avec les sièges gris sombres.
Sur cet appareil de 70 places, nous avons deux PNC (dont on retrouve le rouge sur leur veste). Je ne vois pas vraiment comment cela pourra être rentable (les 2 PNC, pas les vestes rouges). Le CC me confirmera plus tard que l'avion a été aligné "en urgence" et qu'il sera probablement remplacé par un ATR42 de 48 places si l'AO est remporté, ce qui me semble plus raisonnable.
Le plafonnier, pour les amateurs.
Et les consignes, dans un bon état et un format agréable.
L'armada de Chalair, avec ici deux autres ATR - vous voyez donc sur cette photo 60% de la flotte des ATR de Chalair.
Nous partons avec une petite dizaine de minutes de retard. Le ciel est nuageux, mais la lumière est belle. Grand seigneur, j'ai laissé le hublot à Madame, du coup la vue sur l'extérieur n'est pas simple.
L'éclairage est réduit pour le décollage, l'ambiance est cosy malgré le raffut des moteurs.
C'est parti !
Nous décollons vers l'est et piquons ensuite directement vers le sud-ouest.
Le service commence une dizaine de minutes plus tard.
Le choix est classique, je sacrifie au rituel du jus de tomate (mais sans sel au céleri, puisque bizarrement il n'y en a pas). Le tout est accompagné d'un choix de biscuits sucrés ou salés. C'est à souligner, car rien n'oblige CE à proposer une offre gratuite, surtout sur des vols courts comme ceux-ci.
Madame a opté pour l'option sucrée avec cette madeleine.
Je me régale avec les couleurs du coucher de soleil sur les nuages.
Après le service, je migre vers l'avant de l'appareil.
Contrairement aux anciens ATR de Hop qui avaient une affreuse configuration en mode club 4 SNCF (les sièges que personne ne veut avoir), ici on est sur du classique. Le premier hublot est une véritable issue de secours.
Vue de cette cabine, bien clairsemée.
Le CC de cabine sort alors du cockpit et nous commençons à discuter. Nous évoquons le sujet de la ligne ORY-BVE, il espère d'autant plus que Chalair remportera l'AO que lui-même est briviste.
Nous arrivons en vue de Brive.
La cabine est préparée pour l'atterrissage.
Nous voici arrivés, avec 10 minutes du retard que nous n'avons pas pu rattraper. C'est d'ailleurs un point que j'évoquerai dans le FR suivant : l'ATR étant moins rapide que l'ERJ145, c'est compliqué pour Chalair de tenir les horaires sur les créneaux d'Amelia.
A nos côtés, un 737 de Ryanair attend pour pouvoir partir à Séville. Ouverte cette année, la ligne fonctionne a priori très bien.
C'est à pied qu'il faut rejoindre le modeste aéroport de Brive.
La salle de livraison des bagages. Vous noterez l'efficacité des agents au sol : l'unique valise enregistrée du vol est déjà sur le tapis !
La fierté locale affiche clairement ses couleurs.
Le hall des départs / arrivées. Entre les agents de pistes et le personnel au comptoir, on a l'impression (qui n'en est sans doute pas une) qu'il y a plus d'agents au sol que de passagers.
Nous filons ensuite récupérer notre bolide chez le loueur vert.
Merci pour votre lecture, à bientôt pour le retour (matinal).
Merci Stéphane pour le partage !
J'avais suivi cette histoire de loin avec Amelia qui se retire de la ligne puis revient dans l'appel d'offres. J'espère pour eux que ce sera un niet. L' ATR42 de Chalair est de loin plus adapté.
Lol l'histoire de centrage, effectivement tant que tu restes sur ta rangée ça ne change rien ou presque.
De bons souvenirs avec F-HAPL qui venait souvent à MLH pour aller à ORY ou CDG je vois que la cabine a enfin été rénovée, il était temps.
A bientôt !
Un petit coup d'auto pub pour se souvenir de l'ancienne cabine :
https://flight-report.com/fr/report/11185/Hop_AF_7341_B_le_EAP_Paris_ORY/
Merci Stephan pour le commentaire.
Je ne pensais pas que l'affaire avait fait du bruit, j'ai volontairement dramatisé la narration de la situation, mais si c'est une tempête dans un verre d'eau vu de Paris, c'est un vrai problème là-bas. On verra le résultat de l'AO. Sinon, reste le train, lent, peu fiable, mais bien moins cher.
Sympa de voir l'ancienne cabine dans ton FR, le retrofit n'était pas du luxe (mais les sièges ne s'inclinent plus).
Sympa aussi ce super constellation ! il ne vole plus ?
Malheureusement non :(
L'association Suisse qui l'exploitait avait besoin en 2019 de 20 millions de CHF pour le remettre en état, elle n'a pas trouvé l'argent et l'avion a été vendu à un groupe allemand qui avait promis de le rénover.
Projet abandonné en 2023 l'appareil est démantelé (mais proprement, donc il pourrait être ré-assemblé) et en vente :
https://www.ch-aviation.com/news/126179-german-investors-abandon-constellation-restoration
Merci Stephane pour le reportage.
Une ligne bien commode depuis Figeac lorsque Amelia l'exploitait au tarif AF. BVE semble connaître le même sort que RDZ.
Il semble que Amelia préfère effectuer à Mayotte avec deux appareils les lucratives Evasan vers la Réunion.
Un bon vol et un aéroport où les foules ne se pressent pas sous les portiques... sauf pour FR. (Al 'époque il y avait DUB).``
A bientôt !
Merci Franck pour le commentaire. Je me doutais bien que tu serais intéressé par le sujet ;-)
Cette ligne drainait plutôt large d'un point de vue géographique, mais le remplissage des avions est vraiment faible.
Même au tarif AF (très bas à l'époque), ça ne faisait que vivoter.
Amelia a clairement réorienté sa stratégie, c'est dommage on perd une compagnie sympathique dans le paysage aéronautique métropolitain.
DUB a disparu du FIDS de BVE, mais OPO et SVQ se portent très bien !
A bientôt.
Merci pour ce FR !
Il y a décidemment pas mal de changements concernant les DSP avec plein de contrats qui arrivent à terme et peinent à être renouvelés...
Pas sur tous les tarifs de mémoire... :)
A bientôt !
Merci Nico.
CE a obtenu l'OSP pour BVE, c'est officiel. Nous verrons ce que cela donnera.
Pour l'instant, toujours aucun mile, mais vu qu'il n'y a aucune information sur la classe tarifaire...
A bientôt !
Merci pour ce récit Stephane. Difficile de faire vivre ces lignes pourtant indispensables pour désenclaver certaines régions ou le train n'est pas pertinent. Tu as eu la chance d'avoir l'un des ATR avec la dérive siglée. Le têtières rouges égayent un peu la cabine qui est vraiment peu remplie !
Merci Christophe.
Le train est une alternative qui peut faire sens, mais impossible pour un A/R journée. Et ce sont de vieilles machines à la fiabilité douteuse.
A bientôt !