Des milliers d?'images qui défilent, au cours d'?une journée, sous les yeux, très peu impriment suffisamment la rétine pour être enregistrées dans la mémoire. Ce qu'?on appelle souvenir n'?est que le fruit d?'un travail de reconstitution mentale, où se télescopent, s?'entrechoquent, se superposent et fusionnent visions fugaces et impressions évanescentes. La photo, lorsqu?'elle ne se veut pas purement anecdotique, doit tendre à retranscrire ce que j?'oserai appeler le « Ressenti », auquel la mémoire accorde un espace-temps sans commune mesure avec sa dimension objective. A l'?occasion de cette conférence dont le thème est, je vous le rappelle, « Proust, et après ? », j?'aimerais, Mesdames et Messieurs, vous présenter, à titre d'?illustration de mon propos, une oe'uvre picturale alliant, d'?une part, une structure fondamentale rigoureuse faite de courtes verticales (par lesquelles s'?exprime le sentiment d?'enfermement lié aux contraintes de l'?existence), et de multiples lignes de fuite leur livrant un combat dialectique (il y a une issue, lointaine, certes, mais il y a une issue), et d?'autre part, une écriture chromatique violente, heurtée, imprécise et décalée (les battements du coe'ur, que la course accélère, l'oe??il balayant anxieusement l'?horizon à la recherche de la porte salvatrice).
Cette ?oeuvre, que je soumets à vos dithyrambes, je l'?ai intitulée : « Néons, Affluence, Solcarlus et Magne-toi le fi.n ».
Merci, merci,? merci. Non, je vous prie, pas de polémique.? Merci.? Appelez-moi Maître.

En fait, lorsque nous arrivons à la fameuse porte, l'?embarquement n?'a pas encore commencé. J'?en profite pour « prendre mes précautions ». M'?étant vu attribuer d'?office le siège 31F, je n?'aurai en effet pas le loisir de me lever pendant le vol. L'?un des deux lavabos des commodités voisines est bouché. Je suis pris d'un doute : sommes-nous réellement en Suisse ?

Un bar. Remonte à la surface un conseil donné par un ancien ouvrage de puériculture : voulez-vous que vos enfants se tiennent droit ? Faites-les donc s'?asseoir sur des tabourets. Ils ne prendront pas l'?habitude de s?'avachir.

Une publicité dont le sens m'?échappe. J?'ai bien compris qu'?il s'?agissait d'?une montre. Mais son propriétaire a une curieuse façon de la porter. La multifonctionnalité, dont le parangon est le couteau suisse, s'?étendrait-elle aux montres, dont la robustesse permettrait de les utiliser comme coups de poing américains ? Je ne sais déchiffrer les idéogrammes qui accompagnent l'?image. J?'en suis réduit à jouer au jeu : « trouvez une légende ». La mine raffinée du personnage, qui pourrait être, en y regardant bien, teintée de cruauté, en ferait le jeune « Bâton Rouge » d?'une triade, qui dirait : « misérable fils de chien, je vais réduire en bouillie ta face répugnante, et après, ma couteuse et robuste montre suisse continuera à me donner l?'heure exacte. »

J?'essaie de voir notre avion, dont j'ai ?appris depuis lors qu'?il était immatriculé HB-IJS. C'?est tout ce que j'?ai réussi à prendre.

L?'embarquement commence avec 10 mn de retard, à 08:55. Préalablement, nous avons du faire vérifier à un comptoir dédié que nous disposions bien du visa d'entrée en Russie. De la passerelle, puis de mon siège, je photographie l'?aéronef qui se trouve à côté, le HB-IJH.


Je passe la description de la cabine, les instructions de sécurité, qui sont la simple reproduction du vol précédent. J?'ai l?'impression d'?avoir un peu plus d'?espace aux genoux que lors de celui-ci. Mais je sens aussi que nous avons un voisin désagréable, sans parvenir toutefois à le localiser précisément.
La porte est refermée, la passerelle repliée, l'?avion repoussé à 09:27.

Lors du roulage, nous passons à côté d?'un A319 de SAS

Un A320 de Vueling

Un CESSNA Citation

Nous décollons à 09:37 et laissons à notre droite Bachenbülach et Bülach. Nous survolons rapidement le Rhin vers Rheinsfelden.



Puis l?'avion fait un virage assez serré vers la droite et on passe non loin de Kloten.



Vers 10:05, un repas est servi. Nous devons être un peu au-delà de Nuremberg.


Dans la barquette, il y a de la volaille accompagnée d'?une jardinière de légumes (carottes et petits pois). J?'ai préféré photographier les couverts métalliques, plus valorisants pour la compagnie, que le plat, recouvert d'une sauce ayant l?'allure de colle à papier peint. Mais le goût en était très bon. En dessert, une pâtisserie à la confiture d?'abricot. Le tout arrosé de vin blanc en provenance de différents cantons de la Confédération.? Pendant le repas, j'?ai entendu le commandant de bord nous annoncer Berlin à gauche de l?'appareil.


?
A 11h, café, suivi d'?un carré de chocolat.


Alors que je bâfrais, l?'avion a poursuivi son bonhomme de chemin. Nous survolons l'?Estonie.

Le lac Vorstjarv.

L?'ancien aérodrome de Tartu.

Le Lac Peipsi, que les Russes appellent lac des Tchoudes. La frontière avec la Russie passe au milieu. C?'est là qu'?en 1242 Alexandre Nevski a battu les chevaliers teutoniques, en les attirant sur le lac gelé, dont la glace s?'est rompue sous le poids des chevaux caparaçonnés et des armures. Prokofiev en a tiré une cantate patriotique.

Puisqu?'il est question du lac Peipsi, pour ne pas faire de jaloux, je propose une photo du château de Coca. Il est très loin d'?ici (dans la province de Ségovie). Isabelle la Catholique (1451-1504) y a passé son enfance. Elle est restée fameuse pour avoir fait le voe'u de ne pas changer de chemise tant qu?'elle n'?aurait pas pris Grenade, ce à quoi elle est parvenue en janvier 1492. Quand les historiens enseignent qu'?elle a petit à petit asphyxié le roi Boabdil, ce n'?est pas une simple image. J?'en sais quelque chose. J?'ai indiqué au début du vol que j'?avais décelé un voisinage désagréable. Un passager a manifestement, lui aussi, juré de ne pas se laver, sans qu'?on sache quel évènement heureux pour lui mettrait fin à cette malédiction. En attendant, un remugle pestilentiel nous parvient par bouffées successives. On met tous la ventilation à fond. Il m'?est déjà arrivé de monter dans un métro où sévissait olfactivement un clochard. Jamais encore dans un avion. Et là, on ne peut pas se dire qu'on va changer de voiture à la prochaine station. Les garnements qui publient sur FR des photos de leurs pieds en se flattant d?'avoir fait le vide autour d?'eux me font rire jaune. Enfin, heureusement que cette expérience ne se déroule pas sur un vol Amsterdam-Manille.

Nous survolons le village de Kipen puis celui de Gorbunki. On aperçoit l'?aéroport de Pulkovo.


Puis c'est la descente dans l?'axe de la piste 10L




Nous atterrissons à 14:05 (il y 2 h de décalage avec Paris), soit 2h30 pour 1980 km à vol d?'oiseau.

Le roulage est très court, les formalités d?'entrée et la récupération des bagages se font en un tournemain.



Sur le chemin qui nous conduit en ville, je prends, derrière les vitres teintées de la voiture qui roule à vive allure, une photo de la statue de Vladimir Ilitch Oulianov, dont la ville a porté le pseudonyme révolutionnaire de 1924 à 1991.

Ça, c'?est le bateau d'un autre Vladimir, amarré sur la Neva. Il s'?appelle (je veux dire, le bateau) « COKPAT », donc : Socrate. Moi, j'?entends distinctement Saccrrrottt.

La journée a été chaude. Sur le coup de 8h, un orage a purifié l'?air et lavé la ville. Il est plus de minuit. Il fait doux. De la place du Palais d?'hiver, parviennent les échos, ponctués de vagues de hurlements d'?une foule déchaînée, d?'un concert rock géant, qui marque la fin de l'?année scolaire et universitaire. Des petits groupes d'?étudiants se dirigent encore, au son, vers l?'Amirauté. Ils sont nombreux à s'?être munis de boites de carton de jus d'orange, qu'?ils portent innocemment. Je suis bien certain que ce jus est « multivitaminé ». On ne nous la fait pas. On a été étudiants, nous aussi.

Malgré ses efforts, la nuit ne parvient pas à occulter le ciel. Gentiment, les palais lui laissent croire qu?'elle a accompli sa mission en illuminant leurs façades.


Merci, dommage de ne pas avoir une photo du plat principal, mais bon je titille, merci :)
L'introduction commence très fort, et la suite du texte historique-culturel-humoristique est à la hauteur.
Le lavabo est bouché, mais il a été mis hors service, ce qui le différencie d'un lavabo chinois ou malawite. Mais cela aurait permis un entrainement olfactif pour le vol.
J'avoue avoir du mal à comprendre le slogan de TAG Heuer (quelque chose comme \les géants font la tendance\), ce qui explique sans doute pourquoi je n'ai pas de montre suisse.
Merci pour ce FR !
Merci pour ce FR !!!
merci pour ce FR . je voulais vous parlez de la compagnie aérienne kathago airlines. DANGER si je n'ai qu'une chose à dire c'est ce mot. Franchement; j'ai souvent pris l'avion sur des compagnies de qualité plus que moyenne, mais Karthago Airlines est un scandale à lui tout seul. L'AFP a décrit cette compagnie comme une compagnie cimetière, elle a entièrement raison.
Je suis partie avec un 737-300 qui doit dater de 1991. L'état de l'avion est une horreur: les sièges des hotesses sont attachés avec du scotch, les sièges des passagers n'ont pratiquement plus de house protectrice, les indications sur les tablettes ont été effacées avec le temps, la porte avait l'air de se fermer avec beaucoup de diffculté... La sécurité n'est absolument pas assurée: des enfants de 3 ans debout sur les sièges en pleine turbulences, des personnes qui téléphonaient en plein atterrissage!
Quant au vol, j'ai vraiment cru que j'allais y passer. Des montées et des descentes de l'avion subites, les réacteurs qui sifflent de façon plus qu'étrange en plein vol, la température qui baisse plus que la normale... Bref, je ne me suis jamais senti aussi mal durant un vol.
Je ne conseille à personne de prendre cette compagnie et je ne comprends vraiment pas qu'elle ne soit pas interdite de survol du sol français.
Merci pour ce FR.
@chems28062000 : pourquoi nous parler de Karthago ici ? J'ai aussi pris cette compagnie en 2004 (il y avait la psychose de Flash Airlines à l?époque)sur ORY/TUN/ORY (pas de FR possible, je n'avais pas d'APN à l'époque), vieux 737-300, compagnie assez folklorique, mais ponctualité à peu près correcte. Pour info la compagnie a fusionné avec Nouvelair et les 737-300 volent sous d'autres cieux.
[Pinaillage ON]C'est un nom de guerre, et non un sobriquet, qui vaut à LED d'avoir ce code IATA [Pinaillage OFF]
@RYRthebest : +1. Pour lancer des anathèmes hors sujet, c'est sur VF qu'il faut aller.
@RYRthebest @marathon je m'associe à vos remarques et me demande si ce genre de commentaires HS visiblement copier/coller depuis cette page:
http://www.crash-aerien.aero/forum/karthago-airline-danger-ou-pas-t864.html (post du 10/08/2006) ne devrait pas être supprimé par un admin FR car il perturbe la lecture... et si c'est fait, supprimer également le mien ensuite du coup! ;-)
@marathon: en fait on parle habituellement de \pseudonyme révolutionnaire\. Je me demande si nom de guerre est approprié pour quelqu'un qui ne l'a pas faite et a traité avec les allemands.
Merci pour ce FR!
Spacibo ! Je suis impatient de voir ce que vous pourrez raconter sur ce magnifique aéroport de Pulkovo :D
@Icare :il y a pas mal de monde de ce côté là, à ce que j'ai vu en parcourant les FR. Je sais ce que je vais faire dorénavant pour éviter le sauve qui pue : prendre une pince à linge
@saraoutou: c'est tout dire; je me demande, lorsqu'on parle d'un cheval isabelle, si ça vise uniquement la robe, ou bien aussi le parfum.
Merci pour ce FR super bien écrit et très drôle =D !!
Merci bien, bon FR! Repas plus que correct...
Merci pour ce FR !