C'est assurément à un spotter dépité qu'on doit le dicton « qui va à Gênes n'a pas de plaisir ».
Qu'on en juge : voici le tableau des départs au terminal 2G de Roissy Charles de Gaulle. Ça manque un peu d'exotisme.

Qui plus est, les machines volantes sont encore plus farouches que les fauves de la savane africaine. C'est à peine si on décèle un bout d'aile ou d'empennage. La galerie qui descend en pente douce vers les portes 40 et suivantes offre une représentation fidèle du néant. Une hôtesse me voyant errer l?âme en peine me demande aimablement si elle peut m'aider.
Le spotter déprimé :
Dissipez, je vous prie, l'angoisse qui m?étreint.
Verrai-je des avions, ou dois-je attendre en vain ?
L'accorte hôtesse
Attendez-voir neuf heures un quart.
Vous verrez se garer,
peu ou prou de coucous.
Effectivement, à l'heure dite, je repère trois oiseaux venus s'abreuver à un point d'eau.

A Gênes, au retour, ce n'est pas mieux. Six vols annoncés pour la demi-journée. Deux autres sont partis entre 13 et 15 h. C'est la troisième ville industrielle d'Italie, deuxième port de la Méditerranée?

Je ne ferai pas de compte-rendu du retour, par manque de photos. Autant donc relater ici un épisode dont ne je suis pas fier.
Les départs sont affichés successivement, à une cadence de 20 secondes, en anglais et en italien. Chaque pays a sa façon de dénommer les villes des autres. On sait que « London » se dit « Londra » et « Paris », « Parigi », en italien. Mais un nom me fait sursauter.

La tentation est trop forte. « T'as vu ? », dis-je à ma femme, « le vol pour Munich fait escale à Monaco ». D'abord incrédule, elle se rend à l?évidence, non sans émettre de sérieuses objections :
- Ils perdent un temps fou. J'aurais compris ça de la part d'une low cost, mais Lufthansa? c'est idiot, Monaco est à un jet de pierre de Gênes.
- Raison de plus pour venir y déposer ou embarquer quelques riches passagers, et faire la nique à Air France, qui a une position dominante à Nice
- Y a un aéroport à Monaco ? Le rocher est trop petit. Y z'ont construit une piste sur une jetée ?
- Je ne crois pas. A mon sens, Lufthansa effectue la liaison par hélicoptère.
- C'est pas possible. Regarde : il y a plus de cinquante personnes à faire la queue pour s'enregistrer !
- Il y a aussi de gros hélicoptères !
- Hum?
Sur le coup, je n'ai pas l'impression qu'elle ait gobé mes fariboles. Mais alors que, de retour à Paris, je suis en train de classer mes photos en captant distraitement des bribes de téléphonages multiples, revient constamment cette question : « tu étais au courant, toi, qu'il y a un aéroport à Monaco ? ?Si, je t'assure? Oui, un vol Lufthansa? Demande à [moi], il te confirmera? ». Misère. Mon succès passe de trop loin mes espérances. Voilà comment naissent les bouteillons. Celui-ci menace de devenir rapidement incontrôlable. Il faut que j'y mette fin rapidement en avouant tout. Je vais tout de même finir ce compte-rendu avant. C'est plus sûr. Si, ensuite, je ne publie plus rien, c'est que j'aurai été étranglé.
Revenons à GDG 2G.
Alors que le départ était prévu à 9h55, nous sommes invités à embarquer à 9h50. Pas de passerelle, et Dieu merci, pas de bus. L'avion est un Bombardier CRJ 700, immatriculé GRZA, MSN 1006, livré à Brit Air le 31 janvier 2001.




La cabine est étroite (2 + 2) et basse. Si on n'y prend garde, on se cogne la tête dans les coffres en se relevant. Ceux-ci sont pourtant petits. D'ailleurs, on laisse les bagages à main au pied de la passerelle, pour qu'ils soient mis en soute. Un carton y est attaché lors de l'embarquement, dont on conserve le talon. Ce système présente le double avantage de ne pas avoir à attendre, à l'arrivée, la livraison sur des tapis roulants, sans pour autant avoir à subir l'indélicatesse de passagers se précipitant pour être les premiers à pouvoir occuper les coffres avec une multitude de sacs et de paquets.

L'espace aux genoux est médiocre.

La porte est fermée à 10h05. On commence à rouler à 10h10. Je m'aperçois que le hublot est crasseux. Et pas simplement à l'extérieur. C'est à croire que mon prédécesseur sur ce siège, alors qu'il dégustait une compote de pomme, s'est courtoisement détourné de son voisin pour éternuer. Je nettoie comme je peux, mais le résultat n'est pas satisfaisant. Il va falloir user du zoom et ruser entre les taches.

Pendant le roulage, on voit pour l'essentiel des appareils aux couleurs d'Air France, et il faut attendre cinq bonnes minutes pour apercevoir enfin un Renault Kangoo.










Puis vient un appareil aux couleurs de China Eastern. Am-stram-gram : je décrète que c'est un Airbus A 330-200.

Un appareil de Vietnam Airlines. Celui-là, je lui trouve une dégaine de 767. Erreur, profonde erreur, c'est un 777-200.

On décolle de la piste 08L à 10h20. Je reconnais l'installation de traitement des eaux usées en bout de piste.

Puis un méandre de la Marne juste avant Meaux

Et Meaux

Après, je ne sais plus trop. Flight Aware se contente de tracer une droite entre Roissy et Gênes, de même que Flight Mapper. Flight Radar24 ne répertorie pas le vol. C'est contrariant.
Ville survolée à 10h25

Autre gros bourg à 10h26

A 10h27, on parvient à la fin d'une grande forêt. On voit comme un terrain de sport ou un hippodrome, mais il n'y a aucun bâtiment alentour.

10h 28 mn et46 sec

10h29.14

A 10h34, une boisson est proposée, avec l'habituel choix (cornélien) entre biscuit sucré et biscuits salés.

Le contre-jour devenant de plus en plus malcommode, j'abandonne les paysages pour les consignes de sécurité.

Juste une petite photo d'une centrale atomique.

A ce moment-là, le titulaire du siège 2A, qui était seul sur sa rangée, prend l'opportune décision de venir causer avec l'occupant du 3F. Le temps de convaincre ma voisine de bouger, et je me retrouve du bon côté, alors que nous abordons un massif montagneux. Intuitivement, je me dis que ça pourrait être les Alpes. Mais comme je n'ai pas eu le loisir depuis lors d'aller réexaminer la table d'orientation de l'Aiguille du Midi, je ne sais identifier les sommets. On voit cependant très bien les vagues successives de crêtes, séparées par de profondes vallées.








A 11h20, on survole les monts sur lesquels la République de Gênes avait édifié patiemment le plus long système défensif connu, après la Grande Muraille de Chine. Il n'a jamais été utilisé et n'a pas empêché Gênes de tomber sous la coupe du Royaume de Piedmont en 1815.


Puis c'est le port de Gênes.

On file le long de la côte ligure.


On va certainement virer à gauche pour revenir atterrir Je m'empresse donc de reprendre mon siège initial, sans avoir aucun égard pour les récriminations de ma voisine, qui l'avait squatté.
Juste le temps de photographier un porte conteneur, et on vire.

Chemin de retour vers Gênes.








La ville, puis le port. On passe au ras des quais pour atterrir sur une jetée à 11h34. On a 4 minutes de retard par rapport à l'heure indiquée sur le billet.














Pendant le roulage, j'aperçois un Piaggio P180 Avanti II. Cette création remarquable de l'ingénieur Mazzoni, a fait son premier vol en 1986. C'est un avion d'affaires bi turbopropulseur à hélices propulsives doté de trois surfaces portantes. Il peut transporter, outre deux pilotes, sept passagers à une vitesse de croisière de 670 km/h. J'en ai vu deux autres, alors que j'attendais le vol du retour.


Sinon, il n'y avait pas grand? chose à voir.
Un Airbus d'Alitalia et un ATR 72 500 d'Air Dolomiti.



Le débarquement se fait à pied. Au revoir, petit GRZA, et merci de m'avoir conduit jusqu'ici.

L'aéroport Christoforo Colombo de Gênes n'est pas immense. L'animation qui règne dans son hall d'arrivée n'a rien à envier à celle dont bruit Saint Brieuc Armor (LFRT) Trémuson Airport.


On peut atteindre le centre-ville, distant d'environ 7 km, soit en taxi (il faut compter 20 euros avec deux valises) soit en Volabus pour 6 euros par personne. Le trajet, lorsque la circulation est fluide, dure moins d'une demi-heure.


Gênes est une ville qui a du charme (en dépit d'une monstruosité ? la sopraelevata ? voie automobile rapide en hauteur le long du rivage).

C'est un port, dont l'entrée est éclairée par un très ancien phare, qui peut accueillir les plus gros paquebots.


C'est aussi une vieille ville, où serpentent des ruelles sombres entre des bâtisses tout en hauteur (la place est rare).
De nombreux palazzi aux façades richement décorées.



Des églises ornées, comme souvent en Italie, de fresques d'une virtuosité ébouriffante.

Des musées.
Celui-ci, par exemple, a recueilli tout ce qui est resté d'une tentative ratée de vol-plané à l'aide d'ailettes attachées aux chevilles.

Mais Gênes tire l'essentiel de sa gloire du plus illustre de ses fils : Christophe Colomb.

L?étude attentive de milliers de pages d'archives municipales, les témoignages, soigneusement collationnés, d'amis et de voisins de la famille Colomb, transmis oralement de génération en génération, des relevés topographiques précis, me mettent en mesure de jeter sur l?épopée colombienne un éclairage nouveau. Voici donc la très véridique histoire de la jeunesse de Christophe Colomb, et de la cause première de ses aventures.
Son père avait choisi d'habiter une maison tout près de la Porta Soprana. Comme ça, lorsqu'il embarquait sa famille le vendredi soir pour passer la fin de la semaine à Portofino, il évitait les embouteillages cauchemardesques qui étaient la plaie de Gênes.

La maison est toujours debout. Sur la façade, ont été déployés les drapeaux des équipes de foot dont le jeune Christophe était supporter, et qu'il avait punaisés sur les murs de sa chambre.

C'est dans une petite école voisine qu'il a quasiment tout appris. Les premières années sont déterminantes pour le reste de l'existence. Sa maîtresse d?école, la sorella Camomilla, avait d'emblée constaté sa tendance à être distrait, ce qui le conduisait souvent à comprendre tout de travers, sans jamais vouloir ensuite en démordre. Elle s'exclamait à tout moment : « Titof ! Toujours à l'ouest ! » Et ses camarade de classe reprenaient en ch'ur, rigolards : « Titof ! Toujours à l'ouest ! » Les sots. De cette moquerie, il ferait la devise qui le rendrait immortel !

Il rêvait d'horizons lointains et passait le plus clair de son temps à errer sur le port dont il contemplait les navires avec envie.



Il fréquentait aussi un lieu de perdition où se réunissaient des voyageurs amarinés, dont il buvait les propos. Ils devisaient des mérites respectifs de Mer France et de Maritalia, deux grandes compagnies de l?époque. Ils étaient unanimes à vilipender le maigre brouet que l'une comme l'autre servaient en guise de collation au cours des traversées de moins de deux jours.

Juste en face, se trouvait l?épicerie, tenue par un couple genoveso-ibérique (le détail a son importance), où sa mère l'envoyait acheter des ?ufs frais. Il en cassait beaucoup, en expliquant froidement qu'il s'entraînait à les faire tenir debout, ce qui pouvait toujours être utile.

« Dresseur d??ufs ! Quel beau métier ! » soupiraient ses parents anéantis, en levant les yeux au ciel. Et lui se disait qu'il serait éternellement incompris. Il fallait quitter le nid familial et montrer au monde entier ce dont il était capable.
Une boutique de luxe venait de s'ouvrir, proposant à une clientèle fortunée des articles de prêt à porter décontracté en provenance d'Inde. Mais le jeune Christophe n'avait pas les moyens de se les payer, et de toute façon, il ne trouvait pas la taille en version slim fit qui lui eût convenu. Il était condamné, comme ses copains, à toujours porter le même bleu-de-Gênes troué aux genoux, dans ces temps-là jugé ringardissime.

Sa décision fut vite prise. Il irait lui-même en Inde chercher l'objet de ses convoitises, en allant au plus vite, par la mer, et au plus court, par l'ouest. Les flancs ventrus d'une caravelle permettraient des importations massives, qui vendues à un prix raisonnable, s?écouleraient aisément tout en ménageant une marge substantielle. Des sponsors espagnols, dont le contact lui avait été fourni par l?épicier Pepe (le vendeur d??ufs) étaient prêts à financer une expédition ultramarine. Il allait pouvoir se faire des nouilles en or (expression familière et imagée traduisant une réussite financière, courante dans les pays de la péninsule italique friands de pâtes,).
On connaît la suite.
C'est d'ici que Christophe Colomb s'est embarqué, nous dit-on. Vous aurez remarqué que le rédacteur du cartel s'est prudemment abstenu de dire pour où.

Merci pour ce FR. Bien vu, c'est bien un A330-200 pour China Eastern mais pour Vietnam Airlines, il s'agit d'un Boeing B777-200ER, Vietnam Airlines n'ayant pas, ou plus, de B767. L'Airbus Alitalia est un A321.
Et merci pour le bonus touristique.
Merci pour ce FR
Toujours rédigé avec ce style inimitable qui est le votre et qui rend passionnant une ligne qui l'est beaucoup moins
Merci pour cette biographie réactualisée de Christophe Collomb ;)
A bientôt (si votre femme vous a épargné !)
Merci pour ce récit passionnant ainsi que son bonus touristique empreint d'histoire !
Un FR par Deucalion, c'est un peu la page culturelle mensuelle du site. J'avoue aussi, la première fois que j'ai vu un vol pour MUC annoncé en Italie, avoir eu un sursaut de surprise. Mais après tout, nous faisons la même chose. Pas de retour...c'est dommage, je me réjouissais déjà d'une nouvelle lecture :)
Merci.
Merci pour ce FR !
merci pour ce FR très complet ;)
Merci pour ce FR et les précisions digne d'un horloger suisse quant au survol post décollage! J'imagine que au vu de votre humour tt en finesse, votre femme n'a pas dû vous en vouloir trop longtemps.
Merci pour ce FR très complet:beau survol et photos du port de gênes,beau bonus touristique.
Je suis toujours en vie, mais ça m'a coûté cher :je citerais bien Cartman (South Park) si je ne craignais de porter atteinte à la haute tenue de ce site.
@Saraoutou : non, je n'ai pas bu le breuvage 35 ; c'est mauvais pour la santé, le chocolat.
Merci à tous et à bientôt pour de nouvelles aventures sans avions.
Merci pour ce beau FR, très agréable à lire et finalement on n'a pas beaucoup de FR en CR7 DB.
A+
Merci pour ce FR très plaisant, belles photos des Alpes ainsi que de Genoa.
Merci pour ce FR bien présenté.
Une vidéo aurait été bien!
Le vol était plein?
@jale : en fait, je ne sais pas comment poster les vidéos; le taux de remplissage devait être proche de 70% à l'aller (le vendredi) et de 95% au retour (le dimanche).
Merci pour ce FR ;)
@Icare : merci pour cet aimable et très encourageant commentaire, que je découvre tardivement et fortuitement.